- ennui
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1 ♦ Vx Tristesse profonde, grand chagrin. ⇒ tourment. « Si d'une mère en pleurs vous plaignez les ennuis » (Racine).2 ♦ Peine qu'on éprouve de quelque contrariété; cette contrariété. ⇒ désagrément, embarras, préoccupation, 1. souci, tracas; fam. embêtement, emmerdement, empoisonnement, enquiquinement. Avoir des ennuis. Se créer, se préparer bien des ennuis. ⇒ difficulté. Quel ennui ! ⇒fam. 1. barbe, poisse; très fam. chierie, chiotte. « Tu ne crains pas qu'on te fasse des ennuis ? » (Sartre). Il a eu des ennuis avec la justice. L'ennui, c'est que... : ce qu'il y a d'ennuyeux, c'est que... ⇒ problème. Attirer des ennuis à qqn. « À ceux-ci je n'ai pas causé de si grands tourments, tout au plus des ennuis » (Colette). — Des ennuis d'argent, de santé, de voiture. Des ennuis mécaniques. ⇒ 2. panne.3 ♦ (XIIIe) Impression de vide, de lassitude causée par le désœuvrement, par une occupation monotone ou dépourvue d'intérêt. Éprouver de l'ennui. ⇒ s'ennuyer. Bâiller d'ennui. Vaincre l'ennui (cf. Tuer le temps). Ce film est d'un ennui ! « L'ennui naquit un jour de l'uniformité » (La Motte-Houdar). « Je travaille toujours pour ne pas mourir d'ennui » (Proudhon). « presque tous les métiers sécrètent l'ennui à la longue » (Romains).4 ♦ Mélancolie vague, lassitude morale qui fait qu'on ne prend d'intérêt, de plaisir à rien. ⇒ abattement, fam. cafard, dégoût (de la vie), langueur, 3. mal (du siècle), morosité, neurasthénie, spleen (cf. Idées noires). Chateaubriand « a comme engendré cet ennui incurable, mélancolique, sans cause, [...] le mal de René » (Sainte-Beuve). Ennui qui vient du mal du pays. ⇒ nostalgie.⊗ CONTR. Satisfaction; amusement, distraction, 1. plaisir.Synonymes :- désagrément- difficultés- emmerde (populaire)- emmerdement (populaire)- mécontentement- souci- tracasContraires :Difficulté, chose ennuyeuse qui met dans l'embarrasSynonymes :- anicroche (familier)- embêtement (familier)- empoisonnement (familier)- os (familier)- pépin (familier)- tuile (familier)Lassitude morale, impression de vide engendrant la mélancolie, produites par...Synonymes :- cafard (familier)- dégoût- mélancolie- spleenContraires :- allégresse- euphorie- gaieté- joie- plaisirennuin. m.d1./d Lassitude morale, absence d'intérêt pour toute chose. L'ennui naît de l'uniformité. être rongé par l'ennui. Mourir d'ennui.|| Absence de tout intérêt, sentiment de vide que produit qqch. Il ne ressent que de l'ennui pour ce travail monotone.d2./d Sentiment désagréable que provoque un souci, une contrariété; ce souci, cette contrariété. Causer des ennuis à qqn. Avoir des ennuis d'argent.⇒ENNUI, subst. masc.A.— Vieilli ou région. Abattement causé par une grave peine, une profonde douleur. Il est tombé dans un ennui et dans une faiblesse qui ont donné frayeur pour sa vie (Maîtres sonneurs) (VINCENT, Lang. et style rust. Sand, 1916, p. 184).— En partic. Nostalgie, regret de quelqu'un ou quelque chose et, absol., mal du pays. Que l'ennui de toi me prenne (FLAUB., Corresp., 1849, p. 95). Il avait l'ennui... Il pleurait tout le temps (RAMUZ, Gde peur mont., 1926, p. 86).— [Avec réf. à l'emploi cour. dans la lang. class.; en partic. cf. RACINE, Bérénice, I, 4 : Dans l'Orient désert quel devint mon ennui!] :• 1. Aussi comprend-on que Françoise avait pu dépérir, les premiers jours, en proie (...) à un mal qu'elle appelait elle-même l'ennui, l'ennui dans ce sens énergique qu'il a chez Corneille ou sous la plume des soldats qui finissent par se suicider parce qu'ils s'« ennuient » trop après leur fiancée, leur village.PROUST, Le Côté de Guermantes 1, 1920, p. 19.B.— Moderne1. Sentiment de lassitude.a) Sentiment de lassitude coïncidant avec une impression plus ou moins profonde de vide, d'inutilité qui ronge l'âme sans cause précise ou qui est inspiré par des considérations de caractère métaphysique ou moral. Ennui incurable; accablé, rongé d'ennui, languir d'ennui. [Emma] sentait l'ennui plus lourd qui retombait sur elle (FLAUB., Mme Bovary, t. 1, 1857, p. 73). Je suis l'ennui et la navrance en personne! (VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1891, p. 125). La promenade est une invention de l'ennui; on promène l'ennui (ALAIN, Propos, 1932, p. 1088) :• 2. Tout me lasse : je remorque avec peine mon ennui avec mes jours, et je vais partout baîllant ma vie.CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 1, 1848, p. 337.Rem. 1. Dans ce sens, le mot est souvent associé à abattement, langueur, mélancolie, tristesse. 2. Le mot apparaît avec majuscule pour désigner l'ennui personnifié. C'est l'Ennui! — l'œil chargé d'un pleur involontaire (BAUDEL., Fl. du Mal, Paris, Gallimard, 1857-61, p. 6).b) Sentiment de fatigue, de découragement provoqué par l'inaction ou le manque total d'intérêt de quelqu'un ou quelque chose. Ennui mortel, sans nom; air d'ennui; baîller d'ennui. Tout ici respire un ennui mortel! (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 522). Le concert s'acheva dans l'atmosphère d'ennui spéciale à ces sortes d'assemblées (VOGÜÉ, Morts, 1899, p. 407). Je reproche à la politique quelle qu'elle soit, l'énorme ennui qu'elle dégage (GREEN, Journal, 1949, p. 314).SYNT. Ennui écrasant, féroce, profond; geste, impression, moment d'ennui; crever, mourir d'ennui; tromper l'ennui; avec/ sans ennui.— [Avec compl. prép. de désignant ce qui cause l'ennui] L'ennui de transcrire des pièces secrètes (STENDHAL, L. Leuwen, t. 2, 1835, p. 260). Ennui de ces longues conversations où rien n'avance (RENARD, Journal, 1906, p. 1095).Rem. Dans ce sens, le mot apparaît souvent en assoc. avec dégoût, désœuvrement, fatigue, oisiveté.2. Sentiment de désagrément, de contrariété, voire d'inquiétude, motivé par une cause extérieure passagère plus ou moins grave. Cause d'ennui; pour comble d'ennui; avoir de l'ennui du côté de qqn ou qqc. Il laisse percer son ennui de ne pouvoir se faire jouer (GONCOURT, Journal, 1882, p. 208). Je m'en tire assez bien, au grand ennui des Jaubert qui espéraient sournoisement me voir grondée (COLETTE, Cl. école, 1900, p. 150) :• 3. Avons-nous une destinée? Sommes-nous libres? Quel! ennui de ne pas savoir! Quels ennuis si l'on savait.RENARD, Journal, 1889, p. 26.— P. méton., au sing. et au plur. Ce qui cause le sentiment de contrariété ou d'inquiétude. Ennui mécanique; ennui d'argent, de chauffage, de santé; être assailli d'ennuis. (Quasi-)synon. accident, anicroche, pépin (fam.). Toujours des ennuis de ménage (CLAUDEL, Corresp. [avec Gide], 1910, p. 125). Elle risquait de créer aux Van Bergen toute sorte d'ennuis et de difficultés (VAN DER MEERSCH, Empreinte dieu, 1936, p. 88). À cent kilomètres environ d'Hassetché nous eûmes un ennui de voiture (THARAUD, Alerte en Syrie! 1937, p. 221).♦ Avoir des ennuis. Se trouver dans une situation difficile. Quelques-uns de mes confrères qui craignent d'avoir des ennuis à la Libération (MONTHERL., Demain, 1949, II, 3, p. 724).— En partic. Avoir des démêlés avec quelqu'un. Mlle Emma Siller a des ennuis avec son propriétaire (GIDE, Journal, 1911, p. 339).♦ L'ennui/le seul ennui, c'est que. (Quasi-)synon. le hic, c'est que. Le seul ennui est qu'il va falloir attendre (ZOLA, Dr Pascal, 1893, p. 222). L'ennui c'est qu'il n'a pas pris l'argent (CLAUDEL, Échange, 1954, III, p. 788).Rem. La docum. atteste ennuyance, subst. fém., lang. pop. région. Synon. de ennui. a) [Correspond à B 1 a] J'ai eu souvent de l'ennuyance, mais plus jamais (...) à partir du moment où cette petite main-là s'est nichée toute tiède dans la mienne (GENEVOIX, É. Charlebois, 1944, p. 43). b) [Correspond à B 2 b] Personne à qui compter mes ennuyances (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, R. Prudent, 1886, p. 645).Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1694-1932. Jusqu'au XVIIIe s. on prononçait aussi bien [], qui n'a prévalu qu'au XIXe s., que []. Cette dernière prononc. est encore cour. dans le Midi de la France (cf. ennemi). La persistance de la nasale dans l'initiale s'explique p. anal. avec des mots du type enfermer, etc. Étymol. et Hist. 1. 1re moitié XIIe s. « tristesse profonde, chagrin, dégoût » (Psautier Oxford, éd. Fr. Michel, CXVIII, 28 : Sermeilla la meie aneme pur ennui [prae taedio]); 1658 par affaiblissement « lassitude d'esprit, manque de goût, de plaisir » (PASCAL, Pensées, éd. Ph. Sellier, Projet de 1658, IX Divertissement, § 168); 2. 1130-40 « contrariété très forte, tourment » tournera a grant enui (WACE, Conception ND, 448 ds KELLER, p. 104b). Déverbal de ennuyer. Fréq. abs. littér. :5 415. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 8 008, b) 8 827; XXe s. : a) 8 029, b) 6 636. Bbg. ARNOLD (W.). Ennui, spleen, nausée, tristesse. N. Spr. 1966, t. 15, pp. 159-173. — BIANCHINI (A.). Le Développement du mot ennui de la Pléiade jusqu'à Pascal. Cultura neolatina. 1952, t. 12, pp. 225-238. — DUMONCEAUX (P.). Lang. et sensibilité au 17e s. Genève, 1975. — JOHNSTON (O.M.). Old French enui, annui, anoi, enoi, ennui, ennuy, applied to persons. Mod. Lang. Notes. 1930, t. 45, pp. 32-34. — SAGNES (G.). L'Ennui ds la litt. fr. de Flaubert à Laforgue. Paris, 1969.ennui [ɑ̃nɥi] n. m.ÉTYM. Déb. XIIe; déverbal de ennuyer.❖1 Vx (langue class.). « Tourment de l'âme causé par la mort de personnes aimées, par leur absence, par la perte d'espérances, par des malheurs quelconques » (Littré). ⇒ Affliction, chagrin, désespoir, désolation, douleur (cit. 15), peine, tourment (→ Abîme, cit. 6; coûter, cit. 9). || L'ennui qui vous dévore (Racine, Bérénice, II, 4).1 Si d'une mère en pleurs vous plaignez les ennuis (…)Racine, Iphigénie, IV, 4.2 (Un, des ennuis). Peine qu'on éprouve d'une contrariété; cette contrariété. ⇒ Anicroche, 1. aria, avanie, désagrément, embarras, préoccupation, souci, tracas; (fam.) chiotte, embêtement, emmerde, emmerdement. || Avoir des ennuis, toutes sortes d'ennuis. || Chacun a ses ennuis. || Causer (cit. 5), faire, susciter, attirer des ennuis à qqn. ⇒ Tracasserie. || Se créer des ennuis. || Vous vous préparez bien des ennuis. ⇒ Complication, difficulté; déboire, déception, misère. || Je sais les ennuis que cela m'a coûtés. || C'est, pour lui, un sujet d'ennui. ⇒ Fardeau, mécontentement. || Être accablé d'ennuis (cf. En baver, en chier). || Ruminer ses ennuis. || Confier des ennuis à qqn. || Quel ennui ! (⇒ fam. Barbe, poisse). — (Qualifié). || Avoir des ennuis professionnels. || Avoir des ennuis d'argent. → (fam.) Être dans la mélasse, dans la mouise, la purée… || Ennuis de santé. || Ennuis de famille. || Les ennuis de la vieillesse. || Les ennuis du métier. ⇒ Inconvénient, incommodité. — ☑ Prov. Un ennui ne vient jamais seul. — L'ennui, c'est que… : ce qu'il y a d'ennuyeux, c'est que…2 Je m'en tais, et ne veux leur causer nul ennui :Ce ne sont pas là mes affaires.La Fontaine, Fables, IV, 9.3 Maintenant, mon enfant, je ne suis plus qu'une vieille sœur, incapable peut-être de soulager vos ennuis, mais non pas de les partager.A. de Musset, les Caprices de Marianne, I, 2.4 L'organiste songe à sa famille et rumine ses ennuis pendant qu'il joue (…)Huysmans, En route, p. 17.5 Des ennuis, tout le monde en a, mais on ne s'ennuie pas.J. Renard, Journal, 26 juil. 1894.6 La plupart de nos ennuis sont notre création originale.Valéry, Autres rhumbs, p. 184.7 Elle assurait que la lettre d'amour en conserve ne fait plaisir à personne, qu'elle peut engendrer mille ennuis, et que plutôt que de susciter des malheurs posthumes, elle avait détruit toutes les siennes (…)Colette, l'Étoile Vesper, p. 185.8 — Tu sais, je ne pars pas aujourd'hui, dit Mathieu. — Je sais. Tu ne crains pas qu'on te fasse des ennuis ?Sartre, le Sursis, p. 86.♦ Spécialt. Mauvais fonctionnement (d'un objet nécessaire). || Des ennuis mécaniques, de chauffage. — J'ai des ennuis avec ma voiture (même sens global, mais valeur normale de ennui).3 (XIIIe). L'ennui; un ennui (qualifié). Malaise, impression de vide, de lassitude causée par l'inaction (⇒ Désœuvrement, cit. 1, 3), par une occupation monotone ou dépourvue d'intérêt (⇒ Fatigue, lassitude). || Éprouver de l'ennui. ⇒ Ennuyer (s'). || L'ennui fait paraître le temps long. || L'ennui le rend impatient (⇒ Impatience). ☑ Crever, mourir (→ 1. Mourir, cit. 39), périr, sécher d'ennui. → Moutonnerie, cit. || Ils me feront mourir, périr d'ennui (→ Assassiner, vx; tuer). || L'ennui me tue. || Un ennui mortel, pesant, profond (→ fam. Assommement). || Ce travail monotone, fastidieux me remplit, m'accable d'ennui. ⇒ Monotonie (→ Critique, cit. 7). || L'ennui de la vie quotidienne. || L'ennui des mois d'hiver. || Livre, spectacle qui distille, engendre, sécrète l'ennui, donne de l'ennui (→ Dédommager, cit. 3). || Ce conférencier sue l'ennui. || L'ennui pèse sur l'auditoire. || Donner des signes d'ennui. || Bâiller, s'étirer par ennui. || Moue d'ennui. || Bâiller d'ennui. || S'avaler la langue d'ennui (→ Bouder, cit. 6). || Savoir éviter l'ennui. || Lutter contre l'ennui (→ Asile, cit. 26). || Ne laisser aucune place à l'ennui. (→ Plein, cit. 12). || Chasser, dissiper, tromper, tuer, vaincre l'ennui (→ Tuer le temps; et aussi attente, cit. 3; boire, cit. 10). || Ne pas connaître l'ennui. || N'avoir pas une minute d'ennui. || Ce film est d'un ennui ! ⇒ Ennuyeux.9 L'ennui est entré dans le monde par la paresse (…)La Bruyère, les Caractères, XI, 101.10 Je me meurs d'ennui quand je vous entends, vous autres riches, parler de vos intérêts et de vos affaires.Racine, Traductions, Le banquet de Platon.11 C'est un grand agrément que la diversité.Nous sommes bien comme nous sommes.Donnez le même esprit aux hommes,Vous ôtez tout le sel de la société.L'ennui naquit un jour de l'uniformité.La Motte-Houdar, Fables, « Les amis trop d'accord ».12 Un enfant oisif est sujet à l'ennui (…)Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, Lettre 5.13 L'ennui, ce fléau de la solitude (…)Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, Entretiens sur les romans, p. 14.14 (…) tous ces hommes du grand monde, sans esprit, qui vont aux eaux promener leur ennui entourèrent madame de Larçay (…)Stendhal, Mina de Vanghel.15 L'ennui est la grande maladie de la vie; on ne cesse de maudire sa brièveté, et toujours elle est trop longue, puisqu'on n'en sait que faire.A. de Vigny, Journal d'un poète, p. 86.16 (…) je ne puis travailler, et pourtant je travaille toujours pour ne pas mourir d'ennui.17 (…) l'ennui n'est fait que pour les esprits vides et pour les cœurs qui ne sauraient être blessés de rien (…)E. Fromentin, Dominique, p. 111.18 Elle fait une moue d'ennui, de dédain aussi un peu, comme regrettant d'être venue à un spectacle qui languit, qui n'est guère amusant.Loti, Mme Chrysanthème, IV, p. 47.18.1 Mer des Sargasses; aube en larmes, et clartés tristes sur l'eau grise. Certes, si j'avais pu choisir, je n'aurais pas ramé vers ces parages. L'ennui ! pourquoi le dire ! Qui ne l'a pas connu ne le comprendra pas; qui l'a connu demande à s'en distraire. L'ennui ! c'est donc vous, mornes études de notre âme, quand autour de nous les splendeurs, les rayons défendus se retirent. Les rayons sont partis, les tentations nous abandonnent; rien ne nous occupe plus, hors nous-mêmes, dans les aurores désenchantées.Gide, le Voyage d'Urien, in Romans, Pl., p. 41.19 Qui n'a point de ressources en lui-même, l'ennui le guette et bientôt le tient.Alain, Propos sur le bonheur, p. 126.20 (…) il n'y a point d'affection qui ne périsse si l'ennui s'y met.Alain, les Aventures du cœur, p. 61.21 Les personnes valides croient toujours que de l'immobilité forcée naît l'ennui.Colette, l'Étoile Vesper, p. 9.22 (…) presque tous les métiers sécrètent l'ennui à la longue.J. Romains, Knock, p. 29.4 Mélancolie vague, lassitude morale qui fait qu'on ne prend d'intérêt, de plaisir à rien. ⇒ Abattement (cit. 3, 7), accablement (cit. 9), cafard (fam.), découragement (cit. 1), dégoût (de la vie, de tout), hypocondrie, langueur, lassitude, mal (du siècle), mélancolie, morosité, neurasthénie, noir (idées noires, papillons noirs), spleen, tristesse, vide (→ Araignée, cit. 10; bas, cit. 6; brouillard, cit. 13; bruyant, cit. 4; défaillance, cit. 2). || Être accablé d'ennui. || Un ennui incurable, sans cause. || Son ennui vient du mal du pays. ⇒ Nostalgie. || Tomber dans un profond, un immense ennui. || Dépérir, languir d'ennui. || Traîner son ennui comme un fardeau. || Sauver qqn de l'ennui. || Guérir de l'ennui.23 Mais, ôtez leur divertissement, vous les verrez se sécher d'ennui; ils sentent alors leur néant sans le connaître : car c'est bien être malheureux que d'être dans une tristesse insupportable, aussitôt qu'on est réduit à se considérer, et à n'en être point diverti.Pascal, Pensées, II, 164.24 Cattien, dans son ouvrage De Institutis Cœnobiorum, parle d'une maladie particulière, acedia, et en fait le sujet de son dixième livre. L'acedia est l'ennui propre au cloître, surtout dans le désert et quand le religieux vit seul; une tristesse vague, obscure, tendre, l'ennui des après-midi. Le besoin de l'infini vous prend; on s'égare en d'indéfinissables désirs; c'est le moment où l'on se perdrait volontiers dans le tourbillon du désert avec Pharan, où l'on s'écrierait avec René : Levez-vous vite, Orages désirés (…)Sainte-Beuve, Port-Royal, t. I, I, VIII. (Cf. aussi Balzac, Un prince de la Bohème, Pl., t. VI, p. 829).25 Connaissez-vous l'ennui ? non pas cet ennui commun, banal, qui provient de la fainéantise ou de la maladie, mais cet ennui moderne qui ronge l'homme dans les entrailles et, d'un être intelligent, fait une ombre qui marche, un fantôme qui pense.Flaubert, Correspondance, 87, 7 juin 1844.26 Je crois, disait-il (Chateaubriand), que je me suis ennuyé dès le ventre de ma mère. Il a comme engendré cet ennui incurable, mélancolique, sans cause, si souvent doux et enchanteur dans son expression, sauvage et desséchant au fond, et mortel au cœur, mortel à la bonne et saine pratique familière des vertus, — le mal de René, qui a été celui de tout notre âge, maladie morale (…) Le voilà donc à sa source cet ennui qui va s'épancher à travers le monde, qui cherchera partout l'infini et l'indéterminé, le désert (…)Sainte-Beuve, Chateaubriand, t. I, p. 81.27 Dans la ménagerie infâme de nos vices,Il en est un plus laid, plus méchant, plus immonde !Quoiqu'il ne pousse ni grands gestes ni grands cris,Il ferait volontiers de la terre un débrisEt dans un bâillement avalerait le monde;C'est l'Ennui !Baudelaire, les Fleurs du mal, Au lecteur.28 On dira peut-être que le monde est depuis longtemps familiarisé avec l'ennui, que l'ennui est la véritable condition de l'homme. Possible que la semence en fût répandue partout et qu'elle germât çà et là, sur un terrain favorable. Mais je me demande si les hommes ont jamais connu cette contagion de l'ennui, cette lèpre ? Un désespoir avorté, une forme turpide du désespoir, qui est sans doute comme la fermentation d'un christianisme décomposé.Bernanos, Journal d'un curé de campagne, I, p. 11.29 Nous avions pensé d'abord que l'auto tuerait l'ennui. Rien ne tue l'ennui. Si nous pressons la voiture, c'est que la route est longue et que l'ennui nous poursuit.G. Duhamel, Scènes de la vie future, VI, p. 99.♦ L'ennui de… (et inf.). || L'ennui de vivre.❖CONTR. Allégresse, bonheur, divertissement, euphorie, gaieté, joie, liesse, plaisir, récréation, réjouissance, satisfaction.
Encyclopédie Universelle. 2012.